Robert Gober au Schaulager (Bâle, jusqu'au 14 octobre 2007)
De l'américain Robert Gober, je connaissais des jambes en cire blanches et poilues, posées par terre, qui semblent dépasser du mur, comme si le reste de la personne avait été mystérieusement absorbé par la pièce. Ici la rétrospective nous montre la grande diversité de son travail réalisé entre 1976 et 2007 : dessins, sculptures et installations qui détournent les objets de la vie quotidienne (éviers, plaque d' égouts, chaise d'enfant, papier peint ...) pour étonner et inquiéter notre regard. Il faut être curieux et même un peu voyeur pour appréhender cette oeuvre, sinon on peut simplement passer à côté sans la voir, comme pour cette porte à peine entrebaillée, où il faut se désarticuler pour apercevoir derrière une baignoire où l'eau coule sur une paire de jambes poilues ou encore ce papier peint qui de loin parait celui d'un intérieur cosy et kitch mais qui de près se révèle être une superposition de penis.
Et puis il y a ces installations magiques, notamment celle crée pour la Dia Fondation en 2000. Après avoir parcouru un corridor sombre où trainent de la mort au rat et des liasses de vieux journaux empaquetés, on pénétre dans une vaste salle très lumineuse où une forêt tropicale est peinte sur les murs percés en haut de fenêtres avec barreaux. Elles donnent sur un ciel bleu à la luminosité extraordinaire et on entend couler l'eau. C'est un peu comme si l'artiste avait inverti : l'extériorité imaginaire d'une cellule de prison devenant son intériorité (le soleil, les arbres, l'eau), nous questionnant ainsi sur la perception de la liberté mais aussi sur celle de la déforestation. Avec ses plaques d'égoût il nous prend encore à contrepied. Car en dessous, au lieu d'une opacité ou d'un liquide visqueux et nauséabond, c'est de l'eau claire avec des crabes, des poissons et des piècettes de monnaie, comme dans une fontaine à souhaits.
Même si je n'ai pas toujours compris où étaient nichés les thémes de prédilection attribués à Gober : enfance, sexualité, pouvoir, exclusion, j'ai surtout rencontré le travail d'un merveilleux plasticien, iconoclaste subversif, retroussant les objets de notre quotidien, nous dérangeant dans nos habitudes mentales et nos à priori, rapprochant la lisière du répulsif avec celle du merveilleux pour mieux réveiller notre conscience. Je regrette simplement que les cerbères du Schaulager m'aient empeché de faire les photos que j'aurais aimé vous montrer.