26 octobre 2008

Fiac 2008 (Paris, Grand Palais)





Un court billet ce matin sur les oeuvres qui se sont détachées de cette foire pour s'imprimer sur ma pupille, piquer ma curiosité, ou susciter l'envie de les acquérir. Cela dit, je n'ai pas trouvé que les allées du Grand Palais aient changé, au contraire, du fait de l'écartement volontaire par les organisateurs de certains "vieux" du métiers (comme Anne Lahumière ) au profit de plus jeunes sensés avoir des partis pris plus forts. Cela reste à prouver et je ne pense pas que l'âge ait à voir avec la question. Car malhreusement beaucoup ont tendance à sagement entasser, tels des écureuils, pour rentabiliser chaque mètre carré, comme au supermarché. Quand aux prix des oeuvres, la crise ne semble pas les avoir affectés, à voir maintenant si ils trouveront preneurs, surtout face Artcurial, Christies et Sothby's dont les prix en vente ont été largement vus à la baisse lors des ventes pendant la Frieze à Londres...
Pour revenir à la qualité des oeuvres, il y a toujours la possibilité rencontres poètiques, voici ma sélection au Grand Palais :
- un fauteuil "Valet " (1953) en chêne de Hans Wagner à Dansk Mobel Kunst galerie (15 000 €)
- l'installation de Claude Lévêque avec le néon "Ne prends pas froid" (2008) et des lustres en glace qui fondent sur le très beau stand de Kamel Mennour. (trop de monde pour demander le prix exact)
- la femme dans la brouette de l'Alelier Van Lieshout à la galerie de Bob Van Oursow, car comme chacun sait, j'ai toujours un faible pour les brouettes ! (35 000 € quand même !)
- "Aria da Capo" de Javier Perez , couple de squelettes en cristal dansant chez Claudine Papillon (135 000 €).
- la table anamorphose " qui fait mouche" de William Kentridge chez Marion Goodman. (150 000 $)
- un très bel accrochage à la galerie Serge Leborgne avec un petit mur avec les oeuvres de Georges Tony Stoll et un superbe Gloria Friedman" Extasy", 2008, (25 000€) artiste qui expose actuellement au Musée Bourdelle.

22 octobre 2008

Mark Wallinger (jusqu'au 16.11.2008 à la Argagauer Kunsthaus, Suisse)



Lauréat du Turner Prize en 2007 avec son installation contre la guerre en Irak "State Britain", après avoir contribué à la Biennale de Venise en 2001, Mark Wallinger est l'un des artistes britanniques contemporains les plus connus internationalement. Et cette exposition a lieu dans une petite ville suisse, située à 1/2heure de Zurich, correspondant peut être à la taille de Tours où en dehors d'un charmant centre historique se dresse un merveilleux bâtiment digne du Moma, dont l'extansion est d'ailleurs dessinée par Herzog et de Meuron, parenthèse pour vous dire que c'est aussi cela la Suisse, mine de rien, une ouverture sur l'international avec ce qui se fait de mieux ... L' artiste, utilise tous les médias (dessins, photos, vidéos, sculpture, peinture, installations) pour nous donner à sentir l'arbitraire et l'absurdité des conventions politiques, religieuses ou identitaires. Sans forcer le trait il va droit à l'essentiel, non sans un certain humour très british.
Ainsi dans la salle des "Autoportaits", ce sont des peintures blanches de taille anthropomorphique, surlesquelles sont tracés de différentes manières des "I" noirs, (donc "je " en francais), manière sobre de montrer les différentes facettes d'une personnalité et de s'inscrire dans l'Histoire de l'art des autoportraits de Rembrandt à Tony Smith.
Ou encore sa vidéo "Sleeper" (2H30 , 2004) où l'on voit un homme habillé en ours déambuler dans des salles vides avec des baies vitrées donnant sur une mégapole de nuit. Face à cet ours tantôt fatigué ou désabusé (pieds en dedans, dos vouté), tantôt s'étalant sur le dos à même le sol pour dormir on éprouve une étrange empathie. En fait on apprend que c'est la vidéo de la performance de l'artiste qui a passé, habillé en ours, 10 nuits à la Neue National Galerie à Berlin, et que les passants du fait des baies vitrées pouvait aussi observer. Sa représentation contraste avec l'image de l'ours sauvage et triomphant , symbole de la ville de Berlin. Clin d'oeil également nous rappelant que Berlin fut aussi la capitale des agents secrets, et que "Sleeper" signifie également un agent inactif attendant d'être rappelé.
"The Underworld" (installation vidéo et sono, 2004) : Après avoir parcouru un long corridor sombre, on arrive dans une salle obscure où une vingtaine d'ecrans TV sont posés par terre en cercle mais à l'envers. On voit sur chaque écran un angle différent d'un concert de musique classique , que l'on decouvrira être plus tard le Requiem de Verdi. Car comme chaque écran montre un moment différent, il joue aussi un passage différent d'où cette impression de cacophonie et d'agression également visuelle, renforcée par certains cadrages de gros plans tête en bas de bouches "criant". On est pas loin de la vision de l'Enfer de la Divine Comedie de Dante.

16 octobre 2008

Manifesta 07 , la Biennale Europea di Arte Contemporanea (Bolzano, Trento, Sud Tyrol) jusqu'au 2.11.08





Un palais, une manufacture de tabac fermée depuis 6 mois mais encore imprégnée de l'odeur, une forteresse au passé difficile, une ancienne usine d'aluminium posent tous la question de "que vont devenir ces lieux, maintenant ?" Dans cette région mouvementée, puisqu'elle appartenait d'abord à l'Allemagne et puis fut annexée par Mussolini pour en faire une région modèle de l'industrie italienne, c'est en tout cas la première fois que ces lieux accueillent de l'art contemporain. Le pari était risqué car vu la "force de caractère" de chacun d'entre eux, ils auraient pu aussi écraser leur contenu. On sent que le choix de cette région pour accueillir cette édition de la Biennale est essentiellement politique. L'art doit il d'abord servir cette fonction ? Si la volonté de résister à un art essentielement marchand est louable, doit on finalement penser l'art uniquement comme un phènomène socia l? car dans les 2 cas politique ou marchand, c'est le groupe qui prévaut. Ne pourrait on pas aussi considérer, comme déjà au temps de Léonard de Vinci, ou plus proche de nous Tony Smith ou Bruce Nauman, que l'homme reste la mesure de toute chose et que pour justement toucher à l'universel il faut d'abord nouer un rapport à l'intime ? Et que parfois ce qui manque dans ces grandes messes, vu leur taille et le niveau intense de stimulation qu'elles engendrent, c'est d'expérimenter de manière concentrée ce rapport au temps et à l'espace. Ce n'est pas le cas ici pour la forteresse et l'usine d'aluminium où justement ce passage de l'intime à l'universel s'opère subtilement.


Dans le cas de la Forteresse Franzenfeste (cf ploto supra) construite en 1830, c'est un projet collaboratif, "Scénarios" qui se concentre sur le son et la vibration. 10 écrivains ont été invités à écrire des textes sur l'idée de la forteresse, son labyrinthe de mémoire, ses bruits de guerre, son or nazi. Ces textes ou ces sons ont été lus ou joués en 3 langues (italien, allemand, anglais) par des poètes, des acteurs et sont situés dans des situations bien particulières. Ainsi on peut passer complétement à côté, ou alors marcher sur les haut parleur recouverts par le sable du sol d'une immense salle, et éprouver la vibration en écoutant le poème " Aquatic Invasion" de Thomas Meinecke" (2008); ou encore s'asseoir sur les chaises "collages " à 3 pieds de Martino Gamper qui pour certaines se mettent aussi à vous parler quand on s'asseoit dessus;
ou encore regarder des films résolument muets, notamment celui boulversant et déstabilisant d'Harun Farocki "Respite" (2007) sur la façon de filmer la déportation et les limites du reportage, ou jouer devant le drôle de diaporama questions/réponses de Michael Snow "So is this" (1982).
Et ces voix ou ces silences en plus de leur charges poétiques, placées dans cet endroit immense vide et sublime, renvoyant curieusement à un univers assez monacal, nous parlent d'abord pour ensuite nous mettre en raisonnance avec une humanité plus vaste.