25 février 2007

"Cap au Pire" par Samuel Beckett, joué par Sami Frey à l'Atelier




"Cap au Pire" est une oeuvre initialement écrite en anglais "Worstwrd Ho", en 1982. C'est une des pièces des plus épurées, où un personnage solitaire, dans la pénombre de la scène, parle "échouer mieux, échouer moins pire". Comme si notre condition dérisoire était de continuer, même si c'est pour rater et de recommencer encore et encore. D'où cette parole lancinante et répétitive, où le langage est déconstruit pour mieux nous faire sentir la limite du sens. Beckett écrivait " Les mots vous lâchent, il ya un moment où même les mots vous lâchent."
L'articulation de Sami Frey est poétique et parfois drôlatique . Absolument sublime, son visage émacié offrirait presque une parenté physique avec celui de l'auteur.
A propos de Beckett, une exposition se prépare à Beaubourg, et en attendant on peut toujours regarder ici son improbable petit film "Not I", réalisé en 1973.

22 février 2007

Tatiana Trouvé « Double bond », Palais de Tokyo au sein de l’exposition « M, Nouvelles du monde renversé » (1 février- 6 mai 07)



Sur une surface de 500 m2 sont réunies des sculptures hybrides, des élèments d’architectures qui jouent sur le décalage, la répétition et le jeu d’échelle. De fines structures tubulaires métalliques qui vont du sol au plafond, des petites portes remodèlent et rythment l‘espace.

On cotoie des scelles de vélos avec des barres amovibles reliant entre elles des boules de ciment, on reconnaît des fragments de batteries. On parcourt mentalement le mécanisme de l’objet essayant d’imaginer ce que sa mise en branle pourrait provoquer, en vain. On ne peut pas l’essayer non plus vu la leur petite taille qui fait de nous des géants. Ce changement d’échelle nous tient donc à distance et nous rend encore plus étranger à cet environnement qui nous renvoie avec force son autonomie.

www.palaisdetokyo.com

17 février 2007

Fabien Verschaere "Seven Days hotel" Moca, Lyon. (jusqu'au 29 avril 2007)





C'est l'univers de son film d'animation "Welcome to the Seven Days Hotel" (voir mon billet Nuits Blanches à la Goutte d'or de Nov 06) qui est ici déplié en 3 dimensions et à échelle humaine. Je déambule donc physiquement ce lieu qui du virtuel est devenu réel où la musique rock continue d'avoir toute sa place. Composée par Audrey Mascina (qui avait déjà collaboré pour le film), c'est d'abord elle que l'on entend et qui nous guide jusqu'à l'accueil de cet hôtel déjanté où le réceptionniste est le diable . Puis toujours dans une ambiance lumineuse plus proche du Baron ou du Bus Palladium que du Ritz, un couloir donne sur 7 chambres.
On retrouve ici les obsessions de l'artiste : Eros et Thanatos, la maladie, le rêve, dans son style poignant et enfantin : formes rondes et envahissantes , couleurs saturées. Le personnage barbu, avatar en volume de l'artiste est très présent. Travail colossal car depuis l'espace du lieu jusqu'aux petites lampes en céramique aux formes de diable, princesse, clown, aux différents films d'animation , au dessins, au distributeur de boisson, à la musique, tout a été conçu par l'artiste spécialement pour cette exposition (il a travaillé dans un atelier de fabrique de décors de théâtre lyonnais). Et puis à côté dans une pièce à part , présenté sur des planches encadrées, il ya le conte imaginé et illustré par l'artiste. Cette histoire en partie auto-biographique est le socle de son travail débordant de sincérité et d'imagination. On sent un artiste jeune à l'appetit insatiable, qui en partant du dessin et de l'écriture, utilise maintenant tous les media (film, fanzine, musique, écriture, sculpture) pour stimuler l'ensemble de nos sens. Comme après un concert de pop star, on en ressort en se sentant "saturé" et surtout plein d'energie et terriblement vivant.
A découvrir aussi ici sur myspace.

Questionnaire de Proust : Fabien Vershaere et Audrey Mascina



1/ Votre principal trait de caractère ?
Fabien Verschaere : bougon
Audrey Mascina : l'impulsivité

2/ La qualité que vous désirez chez un homme ?
FV : la jovialité
AM: l'hyperactivité

3/ la qualité que vous désirez chez une femme ?
FV: sa tactilité
AM: son côté masculin

4/ Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
FV: leur fidélité
AM: leur ouverture d'esprit

5/ Votre principal défaut ?
FV: cyclotimique
AM : impatiente

6/ Votre occupation préférée ?
FV: l'art
AM : je n'ai pas l'impression que je m'occupe

7/ Votre rêve de bonheur ?
FV : Mourrir sans souffrance
AM : Faire que chaque jour soit existant, rencontrer des gens passionnants.

8/ Quel serait votre plus grand malheur ?
FV: la conscience
AM : perdre le désir

9/ Ce que vous voudriez être ?
FV : ce que je ne voudrais pas être.
AM : moi même, car je ne la connais pas encore.

10/ Votre couleur préférée ?
FV: rouge
AM : Noir et blanc

11/ la fleur que vous aimez ?
FV : la cage à amour = l'ibiscus.
AM : l'orchidée.

12/ Le pays où vous désireriez vivre ?
FV : l'Afrique
AM: Songer à en inventer un.

13/ Vos auteurs favoris ?
FV : Pessoa
AM : Poètes de la Beat Géneration. Aldous Huxley. Baudelaire.

14/ vos héros dans la fiction ?
FV : Ceux qui ne le sont pas, ma force vient d'en bas.
AM : Ceux qui ont su créer 1 personnage.

15/ Vos héroïnes ?
FV : les amazones
AM: Marilyn

16/ Vos compositeurs favoris ?
FV : Brel
AM : Michael Jackson

17/ Vos héros dans la vie réelle
FV : ma famille
AM : Karl Lagerfeld

18/ votre artiste favori ?
FV : Bacon

18/ Ce que vous detestez par dessus tout ?
FV : détester. détester.
AM : l'hypocrisie.

19/ le don de la nature que vous aimeriez avoir ?
FV : des ailes
AM : la patience

20/ Comment aimeriez vous mourrir ?
FV : le pinceau dans la main
AM : en faisant la fête, en jouissant.

21/ Votre état d'esprit présent ?
FV : J'ai un peu bu
AM : gaie

22/ les fautes qui vous inspirent le plus d'indulgence ?
FV : l'adultère
AM : celles faites par des gens qui ont pris des risques.

23/ Votre devise ?
FV : C'est pas fini.
AM : "Stick to your rules". Inventer ses régles et s'y tenir.

Expo au MOCA de Lyon jusqu'au 27 avril 2007
et aussi leur site ici.

09 février 2007

"Time Flies" chez GB Agency


Robert Breer, Attila Csorgo, Yann Sérandour, Fischli § Weiss, C.Floyer, chez GB Agency (jusqu’au 10 Mars).

Ne pas manquer cette petite exposition de groupe, toute en finesse et en humour, autour du thème du processus démonté, du jeu et du hasard, du temps qui passe et nous avec. J’apprécie particulièrement le travail de l’américain Robert Breer, éternel jeune homme de 80 ans. il y a ses tableaux au mouvement à peine perceptible, rappelant ceux de Pol Bury . Et puis il ya son dessin et son film d’animation. Sorte de rêve avec de sympathiques pingouins, son film est fabriqué image par image sur le même principe d’un livre que l’on feuillete pour qu’il devienne animé : le processus se dévoile là encore et montre la fragilité et fugacité des choses. Idem du petit film de Fischli and Weiss (en attendant la superbe rétrospective qui va s’installer au Musée d’Art moderne de la ville de Paris pour ceux qui ne l’ont pas vu à Londres cf mon billet d'octobre 2006).

07 février 2007

"la Cantatrice Chauve" mise en scéne par Lagarce (Théâtre Athénée Louis Jouvet jusqu'au 17 février 2007)


Dans le cadre de l'anniversaire de Jean Luc Lagarce (il aurait eu 50 ans cette année), "la Cantatrice Chauve" est rejouée telle qu'il l'avait mise en scéne . Lui qui disait faire du théâtre pour ne pas être seul, a bel et bien constitué sa famille qui lui rend vie car il s'agit ici des mêmes acteurs, de la même équipe pour l'éclairage , le décor, et la bande son que de son vivant.
Si l'homme de théâtre avait choisi cette pièce mythique d'Ionesco c'est que lui aussi s'interrogeait beaucoup sur la valeur que l'on peut accorder aux mots, sur l' impact sur celui qui les reçoit. Parrallèlement il critique également les modes de vie conventionnels, dit "petits bourgeois" pour la superficialité des rapports humains.
Aux dires D'Ionesco, l'idée de la pièce lui serait venue quand il apprit l'anglais via la méthode Assimil. Il y découvre un langage qui tourne dans le vide dans un échange banal de propos anodins.
C'est le point de départ d'une critique du langage, du manque de communication, de la superficialité et l'absurdité des rapports humains dans un cadre de vie petit bourgeois.
C'est au printemps 1950 qu'a lieu le première représentation dans la petite salle des "Noctambules". Côté spectateurs c'est le vide ou les huées. Côté critique, la pièce se fait descendre. Sa première carrière s'achève le mois suivant au bout de 25 représentations. Seuls quelques gens de lettres la défendent avec Jean Paulhan, Breton, Queneau, Audiberti ou encore Camus. Il faudra attendre 7 ans pour que le tout Paris se rende à la Huchette. (qui détient aujourdhui le record de nombre de représentations avec sa 15500 ème ).
Ici à l'Athénée, la mise en scène millimétrée par Lagarce rappelle des images de Jacques Tati mais surtout les rythmes des sitcoms (avec éclairages et applaudissements). C' est drôlatique. La Cantatrice n'a pas changé de coiffure et nous rions jaune.